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Chine : des profs stars de l’Internet grâce à la fièvre du « gaokao », le bac chinois

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Sans être une pop-star, Liu Jie compte en Chine des millions de fans adolescents et gagne jusqu’à 40.000 euros par mois grâce à ses vidéos sur internet: des cours en ligne très regardés avant le crucial concours national d’entrée à l’université.

Tuteur en sciences physiques, M. Liu fait partie des professeurs devenus des célébrités de l’internet chinois grâce à l’insatiable demande de soutien scolaire dans le pays.
Une véritable industrie nourrie par le stress et les pressions parentales avant le « gaokao »: un examen que passent 9 millions de lycéens à l’issue du lycée et dans lequel ils jouent leur avenir.
Les épreuves, condensées sur deux jours et hautement sélectives, débutaient mardi, accompagnées comme chaque année d’une poussée de fièvre dans tout le pays, des policiers interrompant même la circulation près des centres d’examen.
« Le  »gaokao », c’est une affaire très sérieuse. C’est pourquoi il y a un tel appétit pour les cours en ligne », explique Liu Jie à l’AFP, après l’enregistrement d’une leçon consacrée à l’électricité statique.

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Se réclamant d’un diplôme dans une université scientifique réputée, Liu était un tuteur privé avant de se mettre en scène dans des vidéos éducatives. Le succès a été foudroyant.
« Souvent, des gens me reconnaissent dans la rue. Les étudiants pourchassent un prof connu comme si c’était une star » de cinéma, s’amuse Liu, la trentaine, par-dessus ses lunettes.

« Totalement inattendu »

Avec des « salles de classe » virtuelles de taille illimitée, les professeurs en ligne les plus réputés peuvent engranger une fortune.
Sans complexe, Liu Jie dégaine sa calculette pour le prouver. Des dizaines de milliers d’internautes acceptent de payer 250 yuans (33 euros) pour voir l’intégralité d’un de ses cours, dont seule une partie est en accès gratuit.
Il peut ainsi gagner jusqu’à 300.000 yuans/mois dans la période précédant l’examen, pour un revenu annuel d’environ 2,8 millions de yuans (375.000 euros), plus de 30 fois le salaire moyen d’un professeur de lycée à Pékin.
« Je ne pensais pas pouvoir faire autant d’argent. C’est totalement inattendu. L’enseignement, en Chine, n’a jamais été un métier où l’on gagne beaucoup », observe Liu.
Dans un pays de 650 millions d’internautes, l’essor des smartphones a encore facilité l’accès aux cours en ligne. Et la concurrence s’aiguise entre e-professeurs sur ce juteux secteur.

« L’éducation en ligne est en pleine croissance », confirme Xiong Bingqi, vice-président du think-tank indépendant 21st Century Education à Shanghai.
« Le fait que des professeurs gagnent davantage d’argent que d’autres célébrités témoigne de leurs talents et des priorités des consommateurs ».
Le phénomène n’est pas propre à la Chine: en Corée du sud, les plus célèbres tuteurs en ligne empochent jusqu’à 8 millions de dollars par an.
L’engouement suscite quelques inquiétudes: un responsable du ministère chinois de l’Education a prévenu en mars qu’une migration des professeurs vers l’eldorado du web « pourrait perturber les classes ordinaires ». Aucune interdiction n’est cependant à l’ordre du jour.

Des fans  »fidèles »

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Un échec au gaokao peut priver un élève d’une place dans une bonne université et du diplôme académique, toujours considéré en Chine comme l’indispensable sésame pour décrocher un travail sûr et rémunérateur.
A l’approche du concours, les lycéens étudient donc depuis l’aube jusqu’à tard dans la nuit. Des médias ont même rapporté des cas d’injections intraveineuses permettant de revigorer des étudiants exténués par les révisions.

Cao Wei, tuteur de mathématiques en ligne, commence ses cours en streaming à 11 heures du soir, devant plusieurs milliers d’internautes.
Un rythme nocturne épuisant pour lui même: « J’ai perdu plus de 3 kilos ces deux derniers mois », indique-t-il à l’AFP.
Il a cependant gagné quelque 80.000 yuans mensuels, son approche pédagogique directe séduisant un public croissant.
« Il est différent des profs du lycée, qui sont souvent bavards. Lui est plus compréhensible », explique Li Jiayao, une lycéenne de 17 ans. « Je suis une fan fidèle! ».
Mais les profs en ligne sont également victimes du piratage, endémique en Chine, ce qui les oblige à innover et rafraîchir sans cesse leurs contenus pour conserver leur audience.
« La pression sur internet est énorme. Si vous n’êtes pas actif pendant deux semaines, les gens vous oublient », soupire Liu Jie. « C’est comme pour toutes les stars ».


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