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revolunionpresentation @mariejuliegascon

(Crédit: Marie-Julie Gascon)

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Révolunion: épisode 5

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Révolunion est une fiction. A moins qu’il s’agisse d’un récit d’anticipation.
Il va nous faire vivre de l’intérieur l’histoire d’une jeunesse réunionnaise prête à prendre son destin en main. Un évènement déclencheur va lui offrir cette opportunité et lui permettre d’inventer et de construire la société dont elle rêve.
Quatre voix nous racontent cette fabuleuse aventure. Quatre voix qu’un secret partagé lie à la mort, à la vie.

Episode 5

– Assemblée générale à la salle Lucet Langenier dans une heure !

– Qu’est-ce qui se passe ? J’ai demandé

– Je ne sais pas. J’ai juste été prévenue qu’il fallait absolument nous y rendre. Il va s’en tenir une dans chaque secteur de l’île. Venez, on est tous concernés !

– Moi je reste là ! A décrété mon père.

– Il ne faudra pas te plaindre si les décisions ne te conviennent pas ! Nous, on y va tous…Maman ?

– Non, mon grand, tout cela est bien trop violent pour moi…

– Toi, tu ne vas nulle part, Tristan. Et tu n’entraînes pas ton petit frère dans tes conneries. C’est pas à seize ans que tu vas faire la loi !

Le pater avait parlé ! Mais il faut croire que c’était pas son jour, parce que Reine a sonné l’alarme de la rébellion, et je l’ai suivie de près :

– C’est vrai ça, ton père a raison, t’as l’âge d’obéir, pas celui de réfléchir !

– Reine, s’il vous plaît, restez en dehors de cette conversation…

– J’ai dit que j’y allais ! 

J’ai défié mon père du regard et d’instinct il a préféré m’ignorer plutôt que de démarrer un batay coq dont il ne connaissait pas l’issue. Reine a malgré tout essayé de le ramener dans le giron… Je reconnais bien là sa volonté militante.

– Allez, Arnaud, venez, ça fera plaisir à votre dernier. Sans compter qu’à douze ans, il est temps d’éveiller sa conscience citoyenne, non ?

– Je doute que nous ayons la même définition de ce qu’est une conscience citoyenne, ma chère Reine! Mais soit, allons assister aux jeux du cirque !

La salle était pleine quand on est arrivés et un écran avait été installé à l’extérieur pour suivre les débats. Je me souviens de toutes les interventions, presque de chaque mot. Je vais vous le raconter le plus fidèlement possible.

A ce moment précis, Eric Dijoux avait la parole. Il détenait un poste important dans l’ancien conseil régional et à Saint- Pierre, c’était apparemment lui le fer de lance de l’opposition à notre nouvelle république. Sa fille Lian était dans ma classe. Elle faisait partie du cercle des proches avec Anita et Fred. Mais c’était un peu compliqué avec les positions de son père. Ce n’est pas qu’elle se soit calquée sur lui mais elle affichait le plus souvent une espèce de neutralité détachée et ce n’était vraiment pas ce dont on avait besoin en ce moment. C’est surtout avec Anita que ça coinçait. Le tempérament volcanique de notre rousse s’accommodait mal du détachement ou des critiques de la demoiselle Dijoux.

De mon côté, je temporisais, parce que Lian, je l’aime…bien.

En y réfléchissant, ça ne devait pas être simple pour elle. A ce moment précis, Eric Dijoux était hors de lui :

– Mais bon sang, vous êtes complètement inconscients ! Comment notre île va-t-elle s’en tirer sans l’aide de l’état français ?… Nous ne sommes autonomes dans aucun domaine !

– Pour le moment et parce qu’on nous a entretenus en dépendance ! Qui nous a traités comme des personnes majeures ? Certainement pas l’état et ses représentants ici ni non plus les quelques familles qui vivaient du commerce avec l’extérieur… Et je ne parle même pas de ceux qui voyaient un intérêt politique à maintenir une population à genoux ! Mais vous savez très bien qu’on réunit toutes les conditions pour devenir autonomes dans des tas de domaines, de l’agriculture à l’énergie ou la pêche pour n’en citer que quelques-uns… Vous allez voir. La donne va changer quand on se mettra à transformer sur place. Des secteurs entiers, de l’alimentation à la construction en passant par l’économie bleue, vont booster notre économie locale et on a un marché à l’exportation qui pourra compenser ce qu’on sera obligé d’importer ! 

C’est Reine qui s’était exprimée et les applaudissements qui avaient suivi son intervention arrivaient à point nommé pour équilibrer une partie serrée.

Le facilitateur d’échanges du jour en a profité pour rappeler une ou deux règles essentielles. Aujourd’hui, il ne s’agissait pas d’un débat de fond mais d’une information qui nécessiterait une prise de décision rapide. Et pouvoir intervenir se faisait toujours de la même façon : la parole était au centre ; l’intervenant la prenait et la remettait au centre systématiquement pour éviter la dispersion, les échanges entre soi et pour davantage de clarté. C’était une règle particulièrement difficile à mettre en place tant l’habitude de s’interrompre sans s’écouter était inscrite dans l’histoire du monde…

Eric Dijoux avait repris la parole :

 – Encore faudrait-il rouvrir les frontières !  Ce repli sur nous a beau avoir été annoncé comme temporaire, l’idée même me gêne… Et le système financier, vous comptez le réinventer en combien de temps ? 

Mon père n’a pu s’empêcher d’intervenir sèchement :

–  On peut connaître la raison de notre «  convocation » ? Après tout, vos otages ont tout de même le droit de savoir combien de temps va durer la plaisanterie, non ? 

– Justement…S’il vous plaît, recentrons-nous sur la raison de notre présence ici !  Je donne la parole à Sébastien Hoarau, contrôleur aérien à l’aéroport de Gillot.  Il a une information de la toute première importance à nous communiquer …


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