PublicitéQJ juin 2022
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Les enfants de la lune

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Les « enfants de la Lune » doivent éviter à tout prix les rayons du soleil. Le QJ a rencontré Mariama, qui nous présente son histoire et sa vie quotidienne.

Pour beaucoup d’entre nous, le soleil est synonyme de joie de vivre, de sorties, de jeux en plein air, de baignades. Pour beaucoup d’entre nous, mais pas pour tous. Les « enfants de la Lune », eux, doivent à tout prix éviter le contact du soleil sur leur peau.

Les rayons de soleil sont dangereux pour leur peau et leurs yeux

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Pour des raisons médicales – des raisons génétiques (voir encadré) – les «enfants de la Lune» doivent se protéger des rayons du soleil (et de tous les rayons ultraviolets, ceux des lampes, par exemple), car ils vont agresser leur peau, leurs yeux, et provoquer des maladies graves. Le Quotidien des Jeunes a rencontré Mariama, une jeune fille qui est venue se faire soigner à l’hôpital de Saint-Denis. Mariama vit à Mayotte, et elle vient d’y retourner, après plusieurs semaines à La Réunion. Elle sourit beaucoup, lorsqu’elle raconte sa vie, même si souvent les choses ont été difficiles pour elle et son frère Moussa, atteint de la même maladie.

«J’étais encore un bébé »

Sous le nom poétique d’«enfants de la Lune » se cache en effet une maladie rare et très grave, appelée Xeroderma Pigmentosum. « Quand j’étais encore un bébé, à environ six mois, mes yeux sont devenus rouges. Ma maman m’a emmenée à l’hôpital, où l’on m’a donné des médicaments pour les yeux. Mais ensuite, c’est ma peau qui s’est recouverte de petites taches… », explique Mariama. A l’époque, Mariama vivait sur l’île de Grande Comore. Pour comprendre quelle était cette maladie qui attaquait la peau et les yeux de Mariama, mais aussi de son frère Moussa, il a fallu aller à Anjouan, puis à Mayotte. Ce n’était pas facile de passer d’île en île : « Ma maman a vu un adulte qui avait notre maladie, elle a beaucoup pleuré. Alors, pour que l’on soit bien soigné, elle a décidé de prendre un kwassa-kwassa, pour aller à Mayotte » (1)

« Le docteur a ouvert un grand livre » « A Mayotte, un docteur a ouvert un grand livre, il a cherché, cherché, et puis il a dit qu’il fallait nous protéger du soleil. Il nous a donné de la crème pour la peau, et des lunettes », se souvient Mariama. C’était la première fois que sa maladie était diagnostiquée et qu’on lui proposait une manière de se protéger. Parce qu’il n’y a pas de traitement pour éliminer cette maladie.

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L’aspect de sa peau a parfois fait peur aux autres enfants et aux voisins. « A l’hôpital, il y a des gens qui ne voulaient pas s’asseoir à côté de nous. Il y a des enfants du quartier qui nous insultaient. Des chauffeurs de taxi refusaient de nous emmener à l’hôpital. Mais un jour, des journalistes ont fait un reportage sur nous. On est passé à la télé. Maintenant les gens sont gentils avec nous. Ils ont compris que c’est une maladie ». Cette maladie n’est pas contagieuse. Mais elle est héréditaire : on peut la transmettre à ses enfants (voir encadré). Le bus pour l’école part avant le lever du soleil Pour aider les « enfants de la Lune », une association a été créée. Elle leur permet d’aller à l’école. « Au début, il y avait une classe spéciale pour nous. On y allait dans un bus qui partait très tôt le matin. Maintenant, avec les masques pour le visage, les gants pour les mains et les filtres anti-UV que l’on met aux fenêtres, les enfants de la Lune peuvent aller dans une école normale. Mon frère Moussa a pu obtenir son bac », raconte Mariama. Désormais, Mariama est trop âgée pour être scolarisée. Mais elle travaille aux côtés des « enfants de la Lune ». Elle rêve de devenir assistante maternelle, car elle aime s’occuper des plus jeunes. Le sourire de Mariama Mariama a beaucoup d’amis sur Facebook, elle aime bien leur écrire et recevoir des messages, « parce que c’est difficile de les rencontrer à l’extérieur, au soleil ». Ses yeux sont abîmés, elle doit approcher le téléphone très près pour pouvoir lire. Mariama est coquette. Elle montre avec plaisir les bijoux qu’elle fabrique. Mais son plus beau bijou, c’est le sourire qu’elle garde en permanence quand elle raconte son destin d’«enfant de la Lune », qu’elle a voulu partager avec les enfants de La Réunion.

Comment la science permet de mieux combattre cette maladie très rare

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Cette semaine, c’est la Fête de la Science. La science est présente dans notre vie de tous les jours. Si elle permet beaucoup, elle a aussi ses limites. Les scientifiques ont par exemple compris pourquoi les « enfants de la Lune » ne peuvent s’exposer aux rayons du soleil. Et pourquoi il y en a plus aux Comores. Mais ils n’ont pas encore trouvé la solution pour guérir cette maladie. Le docteur François Cartault est un pédiatre et généticien (voir lexique) très réputé. Un jour, alors qu’il était à Mayotte, une maman lui a demandé d’aider ses deux enfants. C’était la maman de Mariama et Moussa, « une femme toujours très souriante, qui se battait pour protéger ses enfants malades. Eux, bien sûr, voulaient aller jouer au soleil, comme tous les enfants ».

« Comme une faute d’orthographe »

Or, quand notre peau est exposée au soleil, les rayons ultraviolets (UV) dégradent les cellules d’ADN (voir lexique). Nous avons tous, heureusement, un système qui répare ces cellules en quelques jours. A cause d’une anomalie, le système de réparation des « enfants de la Lune » ne fonctionne pas bien. Pour leur peau et leurs yeux, les rayons ultraviolets sont ultra-violents. François Cartault et son équipe ont compris que l’origine de cette maladie, appelée Xeroderma Pigmentosum, se trouve dans la mutation d’un gène. C’est comme une « faute d’orthographe » dans le code génétique. On peut porter cette mutation sans être malade. Mais si les deux parents ont cette mutation, il y a plus de risques que leur enfant soit malade.

Une explication historique

Cette mutation génétique, on la retrouve chez les Bantous, en Afrique. Certains se sont installés aux Comores dans les années 1100. Voilà pourquoi il y a plus d’« enfants de la Lune » à Anjouan que dans d’autres parties de la planète, explique François Cartault. La même mutation génétique a été observée au Brésil, chez des descendants d’esclaves africains d’origine bantoue eux aussi.

« Un chercheur heureux, mais un médecin malheureux »

Pour le généticien, faire cette découverte a été passionnant. Mais en tant que médecin, il est triste : il n’existe pas de médicament pour guérir cette maladie. C’est pour ça qu’il explique être « un chercheur heureux, mais un médecin malheureux ». Alors le médecin n’est pas resté les bras croisés. La science n’a pas encore de traitement à proposer aux familles, mais elle est quand même très utile. En dépistant très tôt la maladie grâce à un test, on peut prévenir les parents et mettre les enfants à l’abri du soleil dès leur naissance.

Rire et jouer comme tous les enfants du monde

Une association a été créée pour venir en aide aux « enfants de la Lune » de Mayotte. Leurs maisons ont été améliorées pour que les rayons UV ne pénètrent pas à l’intérieur. Il y a des ventilateurs, parce qu’il fait très chaud dans une maison fermée. Au début, une école spéciale les accueillait, abritée dans des conteneurs. Les enfants s’y rendaient dans un bus équipé de filtres spéciaux anti-UV. Aujourd’hui, grâce aux masques de protection anti-UV, ils peuvent aller dans des écoles normales. Et le soir, quand le soleil est couché, éclairés par la Lune, ils peuvent courir en plein air, retrouver leurs camarades pour chanter, danser, rire et jouer comme tous les enfants du monde.

Textes : Kevin Bulard


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